[TRIBUNE] Agir sur sa stratégie de paiement pour prévenir le churn

Alexandra Chiaramonti, Directrice Générale Europe de GoCardless

 

1 à 4 %. C’est le pourcentage de clients perdus inutilement chaque mois par les entreprises qui reposent sur le business model de l’abonnement. Le chiffre peut paraître anodin. Et pourtant. Pour une entreprise qui effectue 100 000 transactions d’une valeur moyenne de 10 € par mois, cela signifie qu’elle perd environ 15 millions d’euros de chiffre d’affaires sur 5 ans. Si on ajuste à cela l’impact du coût d’acquisition client – on estime que remporter un nouveau client est 5 à 25 fois plus cher que d’en garder un, l’addition monte vite. Or cette perte de clients est inutile. Premièrement parce qu’elle est accidentelle. C’est le churn involontaire : il concerne la perte de clients qui souhaitent continuer d’utiliser votre produit ou service, mais qui en perdent l’accès pour une raison indépendante de leur volonté et qu’ils ignorent, bien souvent l’échec du paiement. Inutile aussi, parce quelques actions simples existent pour agir sur stratégie de paiement afin d’améliorer son taux de conversion… et sa relation client.

 

Lutter contre la fatalité du taux d’échec de paiement de 10 %

C’est un fait. Tout le monde a déjà subi un échec de paiement en tant que consommateur. Notre abonnement à une box ou notre service de streaming est annulé, non pas parce que nous ne sommes pas satisfaits du service, mais parce que notre paiement a échoué. Si c’est frustrant pour le client que nous sommes, ça l’est encore plus pour les entreprises. De prime abord, cela ressemble juste à un paiement qui a échoué et qui doit être encaissé à nouveau pour que l’entreprise puisse récupérer le revenu qui lui est dû. Dans la réalité, ne pas être en mesure d’encaisser des paiements à la première tentative est très coûteux. Comme la fraude, les délais, retards, ainsi que les échecs de paiement alourdissent ce que l’on appelle communément le coût total de possession d’un paiement (TCO) : soit la somme des frais de transaction afférent au paiement, additionnés aux charges liées à sa gestion opérationnelle (ressources mobilisées, intégration du système de paiement, etc.) ainsi que celles liées à la gestion de son inefficacité. Ils rognent sur les bénéfices et entravent in fine la croissance de l’entreprise. Les échecs de paiement coûtent également du temps aux équipes administratives qui doivent réclamer ces paiements. Enfin, ils coûtent même des clients car ils peuvent entraîner le désabonnement de ces derniers. Un problème majeur pour les entreprises dont le business model repose sur les abonnements : celles-ci obtiennent généralement les données de paiement de leurs clients au moment de l’abonnement et les stockent pour traiter les futurs paiements. Avec le temps, ces données deviennent obsolètes. Une étude* Forrester Consulting a déterminé qu’en moyenne, les échecs de paiement entraînaient du churn dans 11 à 15 % des cas. Si une entreprise a un taux d’échec de paiement de 10 % (ce qui est « communément » courant), cela signifie que jusqu’à 1,5 % de sa clientèle l’abandonne chaque mois. Involontairement. Si beaucoup acceptent le taux d’échec comme partie intégrante de l’expérience d’encaissement de paiement, le fait est que les échecs de paiement pourraient en fait être très simples à contrôler et endiguer.

 

Optimiser son taux de réussite de paiement

De l’autre côté de la médaille de l’échec se trouve la réussite. Pour réduire son churn, il faut donc agir sur son taux de réussite de paiement, soit le nombre de paiements qui ont été tentés et encaissés avec succès ramené au nombre total de tentatives d’encaissement. Cela commence tout d’abord par une analyse claire des points forts et des points faibles inhérents à la fois aux différents moyens de paiement et aux différents fournisseurs de paiement pour décider lesquels conviennent le mieux à son activité. Choisir la bonne méthode de paiement a non seulement un impact sur le nombre de clients qui finissent réellement le processus de paiement, mais également sur le nombre de paiements encaissés avec succès. Il a en effet été prouvé que certaines méthodes de paiement ont des taux d’échec nettement plus élevés que d’autres. Par ailleurs, indépendamment des moyens de paiement proposés à leurs clients, les entreprises peuvent compter sur l’existence de très nombreux fournisseurs de paiement qui, grâce aux nouvelles technologies, les aident à remédier aux inefficacités de paiements. Parce qu’ils proposent des relances automatiques, des services d’actualisation des données bancaires, des services d’enregistrement des données de cartes ou encore de relance dite “intelligente”. En s’appuyant sur les données de milliards de transactions, ces derniers créent par exemple des courbes d’apprentissage qui déterminent précisément la date à laquelle l’entreprise a le plus de chances de réussir à recouvrer le paiement échoué.

 

Sécurité et préférence

De nombreuses études suggèrent par ailleurs que la sécurité et la préférence jouent un rôle-clé dans un deuxième type de churn, volontaire cette fois. Concernant la sécurité, 58 % des clients attribuent un arrêt de paiement à des soucis de sécurité** et 84 % des Français déclarent que la protection de leur vie privée et de leurs données est un facteur déterminant dans le choix du mode de paiement à utiliser****. Collecter des paiements sur Internet signifie donc que les clients doivent pouvoir vous faire confiance avec leurs informations de paiement. Affichez une adresse physique et un numéro de téléphone ainsi que des éléments sécurisants tels que la marque d’une interface de paiement sécurisée ou encore un certificat SSL. Attention toutefois à ne pas faire d’excès de zèle. Pour prévenir la fraude au paiement***, les entreprises peuvent être tentées d’ajouter des couches de sécurité à leur processus de paiement. Or cela crée de la friction, avec un impact négatif sur les conversions : il s’avère que  77 % des Français mettraient fin à leur achat en ligne si le processus s’avérait trop complexe****. Concernant la préférence, près de sept Français sur dix (69 %) déclarent qu’ils abandonneraient leur achat si leur mode de paiement préféré n’était pas proposé****. Offrir le bon mix de paiements est donc crucial pour gagner et fidéliser les clients. En répondant aux attentes des consommateurs en matière de moyens de paiement, les entreprises leur offrent une meilleure expérience client et évitent donc le churn.

 

Simplifier son parcours client en matière de paiement

De manière générale, réduire le churn client passe par une optimisation de son parcours de paiement. Avec des recommandations simples (et non exhaustives), comme celle de proposer une seule page de paiement. Les clients n’ont aucune tolérance pour un site lent – en particulier sur tablette ou téléphone. 44 % de clients qui n’ont pas fini leur paiement pointent du doigt des pages lentes à charger, et 36,75 % un long parcours de paiement**. Simplifier le parcours client, cela veut aussi dire indiquer clairement les champs essentiels et rendre optionnels tous les autres. Si les clients ont déjà donné certaines informations dans une étape précédente, ne pas les redemander. Et si les pages de paiement sont hébergées sur un autre site qui a besoin des mêmes informations, il faut les pré-remplir autant que possible : lors d’un paiement en ligne, 40 % des particuliers se sentent frustrés lorsqu’ils doivent saisir manuellement des informations****. Enfin, réduire la nécessité de créer un compte peut aussi s’avérer fort pertinent. Certains consommateurs n’ont pas forcément envie de créer un compte juste pour un achat – surtout si c’est un paiement non récurrent.

 

Selon le dernier Baromètre des TPE*****, 76 % des patrons se disent pessimistes pour leur activité. Dans un climat économique tendu et à l’heure où il devient de plus en plus difficile de susciter l’intérêt, de générer de la demande et de sécuriser des leads face à des attentes grandissantes, les entreprises auraient tout intérêt à reconsidérer leur stratégie de paiement : identifier les actions inefficaces et valoriser les leviers de croissance inexploités pour en faire un moteur de croissance.

 

*Rethink Your Payment Strategy To Save Your Customers And Bottom Line, Forrester Consulting, novembre 2020

**David Moth. 26 novembre 2012. Abandon du panier d’achat : études de cas et conseils pour améliorer votre taux de conversion.

***33% des entreprises françaises estiment que la fraude au paiement constitue le plus gros risque de fraude avant le piratage de leur site internet ou le vol de données – Enquête de GoCardless et YouGov 2022 auprès de 8 507 payeurs dans le monde (Rapport GoCardless de 2022 sur l’expérience du payeur)

**** « Payer Experience Report », une étude YouGov pour GoCardless. La taille totale de l’échantillon était de 7 611 adultes au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en France, en Allemagne et en Australie. Le travail sur le terrain a été réalisé entre le 1er et le 9 juin 2022.

*****Baromètre des TPE, l’enquête de conjoncture trimestrielle de Fiducial réalisée par l’Ifop, mars 2023.

 

Cette tribune a été rédigée en exclusivité pour le JDN. Merci pour cette opportunité de prise de parole !

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